Des yeux sombres s'ouvrirent sur la nuit.
La haine survolait les pupilles, virevoltait avec la colère et se faisait lueur tout au fond du regard. Les cheveux d'argent flottaient autour du visage dur et blanc. La bouche se tordait en rictus démentiel et magnifique. Le corps était tendu, les muscles saillaient sous la peau. Un mouvement, soudain. La main droite descend au niveau de la cuisse, serrée sur l'arme sombre, tandis que les jambes se plient et que la main gauche vient se placer en arrière, légèrement au dessus de la tête.
Les ténèbres se ressèrent autour de l'homme. Elles veulent le sang et l'âme de celui qui lui fait face, à quelques mètres. La blancheur des vêtements de celui-là contraste cruellement avec la noirceur de l'autre. Autour d'eux, la terre est dévastée par l'obscurité, comme si l'affrontement qui se préparait l'avat déjà frappée.
L'homme en noir bouge sa lame, fait briller la lune dans ce miroir létal. Il sourit. L'heure est venue.
Et soudain, ses lèvres se déchirent, laissant la place à la voix, sombre, rauque, effrayante.
"Précis et vif comme le vent sombre des nuits d'hiver..."Les ténèbres entrent en lui, se laissent absorber. Son corps tressaute.
Alors, il attaque. Sa vitesse est telle qu'en quelques secondes, son adversaire est sous sa lame. Juste au dessus de l'homme en blanc, dans les airs, l'homme en noir pousse un hurlement guerrier, annihile le silence, glace les sangs. La lame s'abat, lourde et puissante. L'homme en blanc dégaine, enfin.
L'épée blanche mord la lame noire, sauve la vie de son maître. L'autre est projeté en arrière, se rétabli in extremis dans un nuage de poussière. Souple et animal, il charge une seconde fois. Mais alors qu'il court, ce sont d'autres paroles qui transpercent sa bouche :
"Déchire la Nuit et devient Lune..."Un rire dément s'invite, ponctuant la fin de la formule.
On peut alors distinguer, au creux de la paume, une orbe noire naître, écartant les phalanges de sa mysticité irréelle. Un instant, le temps se fige. L'homme sombre à quelques centimètres de l'homme blanc, la sphère d'ombre presque plongeant, triomphante, dans ses entrailles. Mais la lame de porcelaine, rapide comme un serpent, lui saute au cou. Un mouvement de la tête à droite, l'arme effleure la peau en un filet vermeille. Tout le corps suit, roule sur le côté en abandonnant la sphère, pour se rétablir derrière l'homme blanc.
Le souffle rauque caresse la nuque.
L'Ange n'eût alors le temps de rien.
Ses yeux s'écarquillèrent, il tenta de fuir. Mais c'était trop tard. La lame noire du déchu s'abattit, sépara la tête du corps. Le cadavre de l'Ange s'écrasa lourdement sur le sol dans des volutes de poussière et de sang.
Et Tanÿs Basmaran releva la tête en rangeant son arme, le regard plongé dans la nuit.